Nouveautés
Freak Puke

Freak Puke

The Melvins

par Thibault le 15 août 2012

paru le 5 juin 2012 (Ipecac)

Diminuer la taille du texte Augmenter la taille du texte Imprimer l'article Envoyer l'article par mail

Incroyable mais vrai, les Melvins changent leur fusil d’épaule ! Trente ans de carrière et les voilà qui repensent vraiment leur musique avec l’arrivée à la contrebasse de Trevor Dunn, titulaire chez Mr Bungle et Fantômas, guest-star chez Zorn et cie, dont la simple évocation fait tourner de l’œil au camarade Verley, bassiste maison d’Inside.

Mieux qu’un remplacement au pied levé ou qu’une anecdote sans conséquence, la contrebasse chez les Melvins change beaucoup de choses. Eux qui aimaient les quatre cordes saturées, dégoulinantes, sales, dures, casse-couilles, se retrouvent désormais avec un instrument acoustique qui occupe bien l’espace tout en libérant autour de lui. Les notes jouées sont distinctes, les lignes ouvragées, Dunn place quelques traits d’archets pas mal sentis, il trouve sa place au sein du trio qui joue désormais comme un vrai trio… oui, les Melvins ne considèrent plus leur bassiste comme le troisième type qui espère être entendu en faisant grimacer son instrument !

Nouvel équilibre donc. Crover et Osborne optent pour un jeu beaucoup moins lourd, propice à une véritable ambiance électro-acoustique. Le pont entre jazz et rock est d’ailleurs assuré par la batterie de Crover, lequel propose un travail très accompli. Il y a du groove, de la tranquillité et de la poigne, et une belle parcimonie dans la manière de placer les interventions de tel ou tel instrument. A ce titre, la guitare d’Osborne est d’une agréable économie tout en proposant un éventail assez varié de riffs, motifs et solos. Inconsciemment, l’esprit de disque renvoie directement aux ambitions de King Crimson et à l’incontournable Lark’s Tongue in Aspic, également connu sous le nom de l’album-qui-en-contient-beaucoup-mais-alors-beaucoup-d’autres.

De plus, les néo-Melvins ont plutôt bien peaufiné les contours : mixage subtil qui joue sur l’espace et la profondeur, textures de guitares toujours excellentes (s’il y a bien une chose pour laquelle Osborne déçoit rarement, c’est le son), souci du détail qui ravi le tatillon (exemple : le son de cymbale ad hoc pour l’instant t, ce genre de conneries auxquelles l’auteur de ces lignes est particulièrement sensible et vigilant, au-delà du raisonnable, du genre à brailler « mais il est nul ce batteur, écoute ce moulinet de crash à 2’02, c’est d’une vulgarité ! » mais passons), bref, ce Freak Puke témoigne d’une minutie et d’une épure qu’on ne connaissait pas vraiment à ce groupe et il est grand temps de mettre fin à cette phrase. Et en plus la pochette est jolie.

Par contre, les affiches de concert restent les mêmes.

A lire ces quatre premiers paragraphes – déjà ! on pourrait croire que l’album ci-décrit est un petit chef d’œuvre inattendu, d’autant plus qu’il ne faut pas négliger son sequencing futé qui arrive à contrebalancer quelques erreurs. Ha, nous y voilà. Car erreurs il y a, on parle quand même d’un dix-huitième album des Melvins, faut pas non plus espérer des miracles. Comme à l’accoutumée, King Buzzo et ses copains ont rajouté à la mixture leur « humour » aussi fameux qu’insignifiant. Ici, c’est une volonté de pastiche du rock 60’s et 70’s pas franchement heureuse… Harmonies vocales horripilantes sur Worm Farm Waltz, reprise (amusante dans l’idée) de Let Me Roll It des Wings un peu pataude, et des saupoudrages ici et là de lignes de chant trainantes, limite amorphes comme sur Mr Rip-Off et Tommy Goes Berserk.

On a l’impression que les Melvins, terrifiés à l’idée de faire, stupéfaction et triple salto arrière, de la belle musique (aaargh ! Satanerie ! Vade retro ! Arrière démon, laisse moi écouter Sunn O))) dans ma caverne qui sent le renfermé !) avancent à tâtons… et préfèrent esquisser à gros traits là où il faudrait développer (Holy Barbarians, qui fait miroiter des choses qu’on n’entendra jamais, le raté Inner Ear Rupture). Ces tics, cette manie du pastiche qui était plutôt bien dosée sur certains albums comme Nude With Boots, est ici simplement hors de propos. Un sentiment d’inachevé, de rendez vous raté même, persiste à l’écoute d’un très bon A Growing Disgust où quelques bariolages de contrebasse à l’archer laissent entrevoir un final dantesque, à la Lark’s Tongue in Aspic Part II, justement, et en fait que dalle, coitus interruptus. Erf…

En l’état, Freak Puke est un bon album, largement dans le haut du panier de crabes qu’est la discographie des Melvins, mais c’est un album qui ne va pas au bout de ses idées. Cela mériterait une suite, mais l’humeur de King Buzzo est volatile et son caractère pas franchement propice à d’harmonieuses collaborations et co-compositions. Autant ne rien espérer et profiter des quelques qualités d’un disque plutôt sympa et singulier.



Répondre à cet article

modération a priori

Attention, votre message n'apparaîtra qu'après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?
Ajoutez votre commentaire ici
  • Ce formulaire accepte les raccourcis SPIP [->url] {{gras}} {italique} <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Suivre les commentaires : RSS 2.0 | Atom



Tracklisting :
 
1. Mr. Rip-Off 5:52
2. Inner Ear Rupture 1:56
3. Baby Won’t You Weird Me Out 3:50
4. Worm Farm Waltz 3:54
5. A Growing Disgust 4:28
6. Leon Versus the Revolution 2:47
7. Holy Barbarians 2:31
8. Freak Puke 2:46
9. Let Me Roll It 4:30
10. Tommy Goes Berserk 9:40
 
Durée totale : 42:12