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par Giom le 24 août 2010
Paint It Black sort en 1966 en single et obtient tout de suite un grand succès, atteignant les sommets des charts des deux côtés de l’Atlantique. Pourtant, un malaise se crée au début en raison d’une virgule placée entre le « it » et le « black » sur l’édition originale du single. Beaucoup y voient alors une allusion raciste de la part des Stones. Sur la version américaine d’Aftermath [1], où ce titre débute de façon brillante le LP, la virgule a heureusement disparu.
Les interprétations concernant ce morceau sont diverses. Il s’agit en tout cas de l’expression par un narrateur d’un état dépressif (qui voit justement tout en « black »). Plusieurs écoles s’affrontent alors sur les causes de cette dépression. L’interprétation la plus probable est celle du deséspoir amoureux à la suite de la mort de l’amante (“ With flowers and my love both never to come back ” ; “ If I look hard enough into the setting sun, / My love will laugh with me before the morning comes ”). Mais plus tard, notamment grâce à l’utilisation de la chanson à la fin du générique du film de Stanley Kubrick, Full Metal Jacket, la chanson est devenue un des emblèmes du malheur créé par la guerre du Vietnam pour les soldats américains en revenant. La « red door » du vers introductif (“ I see a red door and I want it painted black ”) peut, avec la mention du rouge, être alors vu comme une allusion au communisme combattu par les États-Unis et source de cette guerre. La porte rouge peut également représenter la Chine, le Vietnam se trouvant à ses pieds en Asie du Sud Est. Certains voient même la preuve de la référence guerrière de ce titre dans le fait que Jagger portait des vêtements militaires lorsque le groupe joua ce titre au Ed Sullivan Show en 1966.
Musicalement, l’histoire du morceau est tout aussi intéressante. Au départ, la chanson devait être beaucoup plus lente et soul. L’idée de départ vient d’une improvisation à l’orgue de Bill Wyman, imitant la musique jouée lors des fêtes de mariages juives. Là-dessus, Watts, accompagné du co-manager du groupe qui traînait par là, Eric Easton, a pondu une rythmique à tendance orientale pour un résultat finalement plus très rock. Le coup de génie du morceau, qui le fera rester dans la mémoire collective, cette ligne de sitar électrique obsédante, est trouvée par Brian Jones pour couronner le tout. Richards affirma ensuite que cet usage de la sitar vient du fait que le groupe avait séjourné pendant quelques jours, peu de temps avant leur entrée en studio, aux Îles Fidji où les musiciens locaux fabriquent ce type d’instruments avec des peaux de melons. Ces instruments, très difficiles à jouer, car très fragiles, avaient alors fasciné les Stones. La sitar collait parfaitement pour la mélodie de Paint It Black. Le groupe avait essayé de la jouer à la guitare électrique mais le résultat n’était pas aussi satisfaisant. Sur ce melting pot musical cosmopolite (comme quoi la grande qualité du rock est de savoir se nourrir de tout et de très bien le digérer), il ne restait plus à Jagger qu’à coller des paroles sombres sur cette mélodie euphorisante pour créer un effet de contre-point saisissant et très efficace.
Enfin, pour l’anecdote, notons que le vers “ I turn my head until my darkness goes ” est emprunté à l’œuvre de l’écrivain irlandais James Joyce : son fameux Ulysse. Qui a dit que les rockers ne lisaient pas romans ? Et les plus novateurs en plus !
[1] Sur la version anglaise, on trouve à la place le titre Mother’s Little Helper
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