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par Milner le 10 janvier 2006
paru le 23 avril 1971 (Rolling Stones Records / Virgin)
1971 a quelque chose de très spécial pour The Rolling Stones. Déjà, à l’époque du concert d’Altamont le 5 décembre 1969, les Stones avaient flanqué la trouille à l’establishment rock dominant avec un meurtre et un procès sur le dos et surtout la mise en lieu sûr d’une valise de billets verts dans un coffre-fort à Genève. Cet argent servira, dès le mois de juin 1970 à fonder la propre compagnie de disques des Silex puisque leur contrat avec Decca, Allen Klein et Abkco expire à ce moment-là. Au moment où paraît leur premier album de la décennie, la presse révèle que suite aux entourloupes de Klein, les Stones sont endettés à hauteur de 29 millions de dollars, une paille que les Graviers ne combleront une fois s’être affranchis de leur déplorable univers médiatico-financier en résidant par intermittence à l’étranger et chez eux en Grande-Bretagne. Nostalgique de la liberté ressentie à Los Angeles, le groupe s’installe en France et livre Sticky Fingers, album poisseux qui s’apparente à un catalogue narcotique pour étudiants en pharmacologie.
Mais si le contenu de la galette est totalement déchirant, la pochette poursuit également ce caractère outrancier. La pochette de l’album dévoile une paire de jeans coupé à la taille, presque grandeur nature équipé d’une fermeture éclair à la braguette. Cette idée viendrait d’Andy Warhol, apôtre du pop art qui, lors d’une fête à New York en 1969, aurait lancé à Mick Jagger que ce serait amusant de voir une vraie braguette sur une pochette d’album. Un an plus tard, le chanteur propose le concept à ses collègues pour le prochain album à venir. Auparavant, le designer Craig Braun chargé de l’élaboration du projet, aurait suggéré de sortir l’album sous un emballage plastique de cristaux liquides ou bien encore sous une pochette dépliable illustrant un mammouth tiré d’une des nombreuses résidences de Jagger en France. Mais, ce dernier avait à ce moment une vision pour le groupe et décida de recentrer la pochette sur un contenu ouvertement plus sexuel. Warhol, convié au projet, prit la photo du mannequin qui, bien que bon nombre de spécialistes assurent que c’est Jagger en personne, semble répondre au doux nom de Joe D’Alessandro, acteur résidant à la Factory, l’atelier pluridisciplinaire de Warhol.
Braun remarqua qu’à force de faire joujou avec la braguette, elle avait tendance à appuyer fortement sur le vinyl et pouvait même altérer le son de certaines pistes. Après une période d’indécision (Atlantic Records, qui distribuait alors le catalogue des Stones aux Etats-Unis, menaça de le poursuivre en justice pour les éventuels dégâts), Craig Braun trouva la solution : il suffisait de descendre la braguette avant d’expédier l’album dans les boutiques puisque dans ce cas, seule la partie label du vinyl verra apparaître les quelconques défauts d’impression. Au départ, plusieurs chaînes de magasin refusèrent de placer le disque dans leur vitrine à cause du jeans particulièrement bien ajusté du mannequin. L’Espagne du général Franco interdit même la vente du produit sous cet emballage pouvant heurter les bonnes moeurs. Braun disait souvent que « si on prend du recul avec cette pochette, on peut en fait distinguer à travers le pantalon la bite du mec. Et comme j’aimais bien déconner avec Warhol, je lui disais : "Tu sais, j’ai bien compris que le mec s’est défoulé avec son engin avant que tu le prennes en photo !" ».
Si en plus de ça, on ajoute que le nouveau logo de la maison de disques des Stones apparaît sous les traits d’une caricature des lèvres et de la langue de Jagger ou bien que le nom de l‘album serait tiré d‘un film interdit pour mineurs, alors oui, sans aucun doute, cet album est fascinant. En fin de compte, The Rolling Stones s’est rendu compte d’une chose en 1971 : ce n’est que dans les pays libres que l’on peut se permettre de dire librement que l’on n’est pas libre.
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