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par Vyvy le 3 juin 2008
Paru en 1965, réédité en 1999
Nous sommes en 1964 et voilà qu’un premier « documentaire » sur Leonard Cohen se tourne. Leonard a 30 ans, est considéré comme le poète le plus en vue de sa génération, et est copain comme cochon avec le grand Irving Layton. Ce court film (près de 45 minutes) est une initiative du National Film Board of Canada, et est de nouveau accessible au plus grand nombre depuis une dizaine d’années et l’avènement du dieu DVD, agréablement accompagné de court-métrages (le clip d’I’m Your Man, des mises en images de certains poèmes...).
Plongée en arrière. Dans le Montréal des années 60, où Cohen passe de temps en temps, c’est-à-dire deux fois par an, pour renflouer ses poches vidées sous le soleil de Grèce et le sourire de Marianne, et renforcer ses névroses, promptes muses pour le poète. Sous la caméra arty de Donald Brittain (qui affectionne les plans bizarres, comme Cohen entouré de plantes vertes…) le poète se laisse aller, nous invite chez lui, maîtrisant tout, et s’amusant à le faire. Loin ici de l’objectivité du documentaire, nous sommes avec ce Ladies and Gentlemen, Mr. Leonard Cohen, en présence d’un portrait dithyrambique.
Le portrait s’ouvre sur Cohen faisant le pitre au perché, au pupitre d’un auditorium plein à craquer. Il raconte alors une mésaventure lui étant arrivée récemment, lors d’une visite dans un hôpital psychiatrique. Alors qu’il s’aventurait pour chercher un café, on le prit pour un des patients en fuite ; s’ensuivit alors une belle course poursuite dans les couloirs sans vie de l’asile. Fantasme ou réalité ? En tout cas le public est en transe, accueillant l’histoire avec éclats de rire. Nous quittons Cohen alors qu’il va commencer à lire ses poèmes de Flowers for Hitler et de Spice-Box of Earth – à savoir sa raison d’être dans ce bel endroit. Cohen donc est au Canada, en promotion. On apprend que financièrement, cela va plutôt bien, il aurait fait 70 000 dollars canadiens l’année passée, mais qu’il ne gagnait presque rien auparavant.
On suit Cohen dans son hôtel à trois dollars la nuit. Il pourrait dormir chez sa mère, à Westmount, dans les collines bourgeoises, mais il préfère le centre grouillant et francophone, cet oasis en plein centre ville que sont les hôtels. On le suit dans des lectures bourrées à craquer de ses poèmes, et quelle joie d’entendre ces poèmes de la voix de leur auteur, ce phrasé qui résonne comme aucun autre sur ces mots. On le suit dans les rues ou Cohen est toujours superbement fringué (lui, qui 41 ans plus tard, dans un autre documentaire expliquera qu’il ne se sent bien qu’en costume, qu’il a bien essayé les jeans mais que non, il comprend pas), et où il se balade avec son sombre raincoat, dont le noir et blanc du film nous empêche de voir s’il est bleu.
De Cohen l’artiste, on explique peu. Une conférence de presse avec lui et Irving Layton laisse Cohen théoriser que chaque jour il cherche à être dans un état de grâce, seul état dans lequel on peut surfer et non se laisser engloûtir par la vague chaotique de nos vies. Protéger le soi d’un monde envahissant, voilà l’œuvre du poète. De Cohen le musicien, on ne voit rien. Trop tôt pour le folk, trop tard pour la country qu’il a taquinée à l’université. On le voit bien maltraiter un harmonica, mais ca n’ira pas bien plus loin. De Cohen l’homme, on peut apprendre beaucoup, de son enfance, de ce qui le fait être poète (les femmes, encore les femmes, toujours les femmes…).
Voilà donc une œuvre de poèmes, qu’ils soient directement récités par Cohen, récités en voie off ou illustrés dans les court-métrages accompagnant le portrait (notamment un superbe A Kite is A Victim), une œuvre qui ne se prend pas plus au sérieux que Cohen, lui-même, se prend…
Quel public pour un reportage en noir et blanc sur un poète canadien datant de 1965 ? Les cohenophiles s’y jetteront, les curieux y abandonneront peut-être un œil, ce reportage restant un moyen fort sympathique de rencontrer le Cohen d’antan, poète de son état.
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