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par Vyvy le 29 juillet 2008
« Hé, Leonard Cohen, c’est le maire de Nice ? » (Entendu à Nice, le 22/07/2008. Comme quoi, ce concert a marqué la ville…)
Dans le cadre du Nice Jazz Festival, qui fête cette année ses 60 ans, Leonard Cohen a colonisé, le temps d’une courte soirée le jardin de Cimiez. Cette année, le Jazz s’y est entendu d’une manière très large puisque des soirées prestige de festival ont vu à l’honneur Rufus Wainwright, Leonard Cohen, et Joan Baez.
Ce mardi 22 juillet est donc la « soirée prestige Leonard Cohen », et dans les badauds qui se mêlent et s’ameutent sur les hauteurs luxueuses de Nice on trouve plus de cohenites que de jazzeux, et - même si le rapport est ténu, voire inexistant - plus de frelons que de moustiques. C’est donc une jolie ambiance de Cohenmania qui s’installe parmi les stands champagne, socca pour la couleur locale* et kebab+frites, à 8 euros s’il vous plait.
Leonard Cohen est à Nice, et on s’en réjouit très fort, car le sombre Canadien est en ce moment au cours de sa première tournée depuis la tournée de The Future en 1992-1993. Comme on dit, ça remonte, ça fait un bail. Les cohenites sont donc ravis. Ravis ils le sont aussi par le prix de l’événement, bien plus abordable que les soirées à l’Olympia prévues en Novembre, et pour lesquelles les places s’arrachent comme des petits fours au caviar.
Le site de Cimiez, qui abrite en temps normal de beaux jardins, des ruines, et un musée Matisse, est reconverti en un petit marasme humain. Mettant pour la première fois les pieds dans un festival de Jazz, j’ouvre bien les yeux, et compare tout ce que je vois avec ce que je connais, aka les festivals de rock. Le public, on s’y attendait, est plus vieux. Plus familial aussi. Du genre, cohenites premières générations offrent une jolie soirées aux cohenites deuxième génération. Tout cela fait que les gens se déplacent le plus souvent en gros groupes, soudés, et bien décidés à se placer correctement entre les oliviers bordant la scène. On voit aussi des profils du genre « ménagère de 50 ans et + », animal étonnant à croiser dans un festival, mais le pouvoir de séduction de Leonard Cohen n’est pas à négliger. Cette foule va rapidement s’amasser devant la scène Jardins, délaissant un peu Seb Chaumont qui s’escriment plutôt bien en scène Matisse. Sur leur chemin, ils croiseront les habituels stands de goodies des artistes, mais aussi du grand n’importe quoi (des bijous en argent, en pierre, heu...), et un peu plus à-propos (des partitions de musique). Beaucoup s’arrêtent et se demandent quoi boire en attendant la venue de l’homme providentiel, qui n’entre en scène qu’à 21h (il est 19h alors). Beaucoup enfin ne parlent pas la langue de Molière. Vacanciers pour certains, citoyens du monde à l’heure des vols low-cost pour d’autres, la marée humaine (de proportions méditerranéennes) qui s’abat sur Cimiez est bien cosmopolite. Pour un voyageur comme Cohen, c’est la moindre des choses.
Après arrive le truc bien chiant dans les festivals. L’attente. Assis comme des merdes sur une herbe achevée par les festivités des jours précédents, dont s’échappe une sourde odeur de poussière. Ça fume, ça boit, ça discute… de tout, de n’importe quoi. Ça lit aussi. Bref, ça s’ennuie, ou plutôt ça essaie sans grand succès de tuer l’ennui et de calmer l’impatience.
Et voilà, 15 minutes avant 21h, mouvement de foule. Les assis se lèvent, ce qui crée une vague vers la scène. On se trouve plus avancé, mais les gens devant, si paisibles quand assis, se révèlent être de véritables géants. Autour de soi, beaucoup de dames d’un certain âge qui ne voient plus rien du tout. Si seulement les arènes de Cimiez, l’autre grande scène où officie ce soir l’impressionnant Maria Schneider Orchestra avaient été réservées au public plus tout jeune de Cohen. Plusieurs de ces spectateurs prendront la poudre d’escampette avant la fin, ne pouvant tenir sur la pointe des pieds bien longtemps. D’autres, plus jeunes et plus agiles escaladeront les quelques oliviers du jardin : vue dégagée garantie, mais à quels risques ?
21h sonne enfin. Enfin, sonne, tout est relatif, rien ne sonne sur Cimiez, bien que ça doit bien sonner quelque part, pas bien loin. Ce qui sonne en fait, ce sont les cris de l’audience. Certains un peu taquin (« Leo ! Leo ! ») d’autres plus convaincus (« Come On ! ») le tout complété des déclarations d’amours qui sont de mise dans ces cas là. Sur la scène, les roadies ont été remplacés par quelques musiciens ; puis par beaucoup. Tous en complet sombre, tous affublés de chapeaux ou bérets à la Cohen. On regarde furieusement, est-il entré sans qu’on le remarque ? Est-il là ? Non, pas encore… Les 3 choristes entrent, Sharon Robinson, collaboratrice de Leonard sur ses deux derniers albums studio, en tête. Ah. Le voilà. Tout de gris vêtu, classe, impeccable. Cheveux blancs sous chapeau gris, le monstre canadien s’approche et nous parle français. Récitant un texte, fait de danse et de fin d’amour.
Ça sonne comme du Cohen, mais c’en est pas vraiment. Ce sont les premiers vers, traduits dans notre langue, qui est aussi une de celle de sa belle province, de Dance Me to the End Of Love. Cohen enchaine rapidement sur la chanson.
En face de son public subjugué (et qui a sorti, en masse, tout un tas de bidules numériques pour immortaliser l’instant) Cohen et son groupe commence alors un parcours sans faille, mêlant aux succès de ses différentes périodes plusieurs chansons moins reconnues. De ce groupe on ne peut pas ne pas dire quelques mots. Aux chœurs, deux sœurs anglaises (Webb Sisters) aident une Sharon Robinson au top de sa forme. Le rythme est assuré par un mexicain du doux nom de Raphael Gayol, et du bassiste/backing vocals/arrangeur musical - bref, colonne vertébrale - Roscoe Beck. A cela on rajoute un clavier/accordéon, un guitariste, un joueur d’étranges instruments à cordes, Javier Mas, et un brillant saxophoniste/joueur d’harmonica, Dino Soldo.
Avec cette nouvelle armée, Cohen va s’empresser doucement de séduire son public. La tache peut ne pas paraître difficile (combien de fans dans l’audience après tout ?) mais elle sera rondement menée. Cohen surprend, et confirme : il surprend, car sa voix est là, et n’a rien a voir avec les murmures sexy des derniers albums. Un grand Cohen, en grande voix est au rendez-vous, une voix qui fait tout autant honneur à I’m Your Man qu’à Bird on The Wire. Il confirme, car depuis le début de cette tournée événement on ne fait que chanter les louanges du Canadien que l’on dit au sommet de son art.
Et donc cet article n’aura rien d’original. Oui Cohen chante bien. Incroyablement bien. Et quand le public s’esclaffe sur le passage de Tower of Songs qui décrit sa golden voice c’est de bon cœur, d’un cœur conquis.
Le set passe vite. Après un Closing Times en grande pompe, le groupe, Cohen en tête, s’éclipse. Pour mieux revenir sous les vivats du public, et pour enchainer avec Anthem et un First We take Manhattan flamboyant. Un allez, un retour, les revoilà sur scène. Tous, roadies, groupe, et Canadien. Et c’est tous ensemble qu’ils entament une petite mélodie, un air de gospel qui s’est envolé, comme la plupart des spectateurs, une fois Leonard Cohen sorti définitivement.
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