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mercredi 15 avril 2015
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par Lazley le 3 octobre 2006
Je vous aurai bien introduit le présent compte-rendu pixellisé par une éloge de cette prémégalopole pluri millénaire qu’est Marseille, mais je crains de me faire prendre en chasse par le comité culturel des PACA pour diffamation...
Or donc !
Ayant appris que la troupe de briscards 100% Americana débarquait pour deux dates à Beaufland (le 9 septembre chez les Provençaux et le 11 à Paris) avec dans leurs valises une setlist variant entre deux bonnes centaines de morceaux possibles, un Vedder gonflé à bloc (lisez la chronique du dernier album des gus, je vous ai fait un topo explicite de la chose) et une première partie de solide réputation (My Morning Jacket), je me préparais à un show pro mais craignais un manque d’implication (because groupe ultra connu, s’arrêtant au beau milieu d’une tournée marathon dans un pays pas visité depuis 2000, ça vous donne en général une prestation au mieux honnête, au pire carrément je-m’en-foutiste à la Oasis).
Encore une appréhension mal foutue de mon p’tit réseau neuronal fragilisé après le choc de Pearl Jam (est-ce un come-back définitif ? Un sursaut avant la décrépitude ? Suis-je trop déstabilisé par ce coup de boule signé PJ ? Et, par tous les larsens de l’univers, vais-je enfin parvenir à me contrôler, et ainsi éviter d’arriver 2 heures avant chaque début de concert ?) !!!
Parce que, mes chers amis, moi et mes tirades débraillées type "schtroumpf grognon shooté aux décibels", nous nous sommes faits considérablement morigéner par l’affiche du soir ! Petit récit...
Après un pied de grue autoimposé, une brève analyse de la faune (panel hétéroclitoridien dans la fosse - proportion de demoiselles assez ahurissante, jouant des coudes avec les mastodontes cheveu kilométrique/T-shirt made in Seattle/yeux exorbités - et maëlstrom de langues - ricain, anglais, écossais, gaulois et même quelques bribes de japonais) et un rapide coup d’œil au fatras de matos empilé sur la scène, où l’on devine dans le fond, les amplis écornés, écaillés mais colossaux des "survivants du grunge", le "turn off the lights" habituel survient, et débute le set de My Morning Jacket, sous les auspices d’une mélopée presqu’enfantine...
Qui s’avère être celle de Wordless Chorus, entrée en matière réjouissante, comme une caresse maternelle (impression qui contraste avec la dégaine des zikos : physique de bûcheron au menu, barbes en cascade et look de mammouth mal luné pour le batteur, qui passera la totalité du concert à transformer sa chemise rouge en seconde peau).
Bon, jouons franc jeu : j’avais acheté leur dernier album, l’avais apprécié mais pas suffisamment pour l’ingurgiter de bout en bout, paroles et artwork compris (comme je procède de coutume lorsqu’une galette me flanque dans les étoiles).
Du coup, je ne peux que vous fournir un résumé pour le moins estropié : show organique, mené par des vocaux rebondissants, gimmicks oscilloscopiques s’enlaçant pour offrir quelques grands moments (un Off The Record vous greffant un sourire enfantin, entre autres). Juste un petit commentaire : ce groupe est la preuve de la fondamentale différence entre l’indie ricain et son homologue anglais : dites-moi juste si vous voyez les Rakes autant se démener sur leur compos sèches pour un public de provinciaux...
Franchement navré, mais les gars de MMJ vous déversent l’équivalent de quatre fois le poids de Kapranos & McCarthy en une heure de set... Sûr, ça ne rend pas la marchandise meilleure, mais on entendrait presque chaque goutte corporelle des types hurler "Bon ou mauvais, je balance TOUT !!!". Et ça, c’est un rien plus rassurant que d’assister aux minauderies à mèche qui semblent faire office de coutume en Albion !
Après près d’une heure de sudation donc, My Morning Jacket salue, puis lumière, background music anecdotique, roadies, tension, etc...
Et enfin, noir bleuté, et arrivée des flibustiers : Ament puis Gossard puis Cameron puis McCready, prenant place comme depuis quinze ans, raidissant les membres avant la charge...
Puis, déboulant juste derrière, un Eddie Vedder au profil Prophète (barbe de reclus, crinière de retour (?), veste morte et T-shirt Misfits), empoignant la vieille Telecaster, et se lançant seul dans la mêlée avec un Long Road chargé en cœur gros...
Allez, séquence pleureuse : d’un naturel peu impressionnable pour cause de profonde haine à l’égard du "ouuuaaaah, c’est Machin, LE Machin en face de moi !!!", je n’ai pourtant pas pu retenir une petite montée de bonheur embué... C’est sûrement la voix de l’Ed, qui n’a pas son pareil pour vous traiter d’égal à égal et vous empoigner le cœur...
Mais le gang piaffe derrière et dès la fin de cette introduccion émotionnel, fonce tête baissée vers un set de plus de deux heures (deux rappels, rien que ça !), pied au plancher à s’en déboîter les omoplates.
Sur la trentaine de décharges ébouriffantes hurlées ce soir-là par les amplis, on retiendra quelques moments proprement bluffants : un Do The Evolution pilonné droit dans le mur, un Elderly Woman Behind A Counter In A Small Town planté par Gossard, honteux comme un môme derrière ses lunettes de prof à la retraite, puis reprenant cette merveille de ballade anti-guimauve, surélevée par la scansion Vedderienne, un Even Flow à vous faire trembler le palpitant, honoré par un drum solo tourbillonnant du même Cameron qui se disait enfin bien dans ses baguettes de cogneur chez les gus, un Wishlist où l’Ed improvise des excuses versifiées pour son pays, maudissant son gouvernement de crétins, avant de balancer le définitif brulôt anti-Bush, ce World Wide Suicide au refrain quasi-prêché, pas la moindre once de démago, paroles aiguisées...
Et puis, au creux des deux rappels, se glissent encore quelques brèves hallucinantes.
Lisez-bien ça : Pearl Jam trouve, sous les yeux du petit reporter, le moyen de transformer une nazerie Ramones (I Believe In Miracles) en un hymne en béton armé !Transcendées par le parti-pris "rugissement fervent" de Vedder, les paroles des faux-frères se dégagent de leur carcan crétino-sniffeur de colle, et vous envoient direct sur le ring, prêt à en découdre.
Le tout suivi par Alive. Cas plus qu’intéressant que cette chanson ; elle fait éclater rien de moins que l’incarnation de l’entêtement Pearljamien, le tout en une seule anecdote : un Vedder haletant, regard bleu rageur, trébuchant soudain (cause : une bouteille entière de rouge sifflée allègrement pendant le concert), se raccrochant in extremis au pied de micro, arc-bouté sur le vide, puis se hissant jusqu’au micro pour scander "I’m still alive !"...
Après deux ou trois autres morceaux de bravoure (Better Man, et le Fuckin’ Up de Neil Young en guise d’au revoir), "merci beaucoup" bafouillé par Vedder, sortie de scène, lumière, tympans absents et les pas qui me ramènent au dehors, bref le protocole...
Déambulant, les yeux saupoudrant le goudron de clignements ébahis, corps vêtu de sueur... Et soudain, détail boomerang : durant le set, s’est produit ce qui fait figure d’aberration de nos jours : Vedder ne chantait JAMAIS seul, incessamment propulsé par les clameurs approximatives mais omniprésentes de la foule, qui, des hymnes archiconnus aux dernières livraisons (sur les trois extraits de Pearl Jam, pas un qui n’ait eu droit à son chœur permanent de 10 000 voix... même les Stones, pourtant suivis par un troupeau grandissant de zombies, ne connaissent pas ça... Même Jagger chante seul sur Sweet Neo Con ou Rough Justice), balançait comme une tape amicale un écho touffu au chanteur.
Allez, pas une ligne de plus, point final.
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