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par Giom le 17 octobre 2006
Le morceau Like A Rolling Stone est composé par Dylan en juin 1965 pour l’album Highway 61 Revisited, un chef-d’œuvre de folk rock électro-acoustique, premier en son genre, qui bouleversa à plus d’un titre la scène folk américaine. Il s’agit du morceau introductif de l’album, sorte de pointage du doigt d’une génération à la fois sublime et dérisoire, en totale perte de repères, symbolisée par la mise en scène d’un personnage féminin. Le titre est si symbolique de son époque que l’universitaire américain Greil Marcus n’hésita pas à lui consacrer un de ses savants ouvrages : Like A Rolling Stone : Bob Dylan At The Crossroads. Toute une histoire donc.
Avant la sortie du LP, le morceau est publié en tant que single le 20 juin 1965, squattant les charts US pendant plus de trois mois et atteignant la seconde place du classement juste derrière le Help ! des Beatles.
Avant l’album également, il y a eu la version live, jouée pour la première fois lors d’un des événements mythiques de l’histoire du rock : l’édition du Newport Folk Festival de juillet 1965 où le barde des temps modernes présenta ce titre électrique devant une foule de folkeux chevelus habitués aux prophéties acoustiques en provenance de la scène de Greenwich Village. Un événement devenu mythique, symbole d’une fracture et d’une conquête de la modernité musicale qui passait alors par l’électricité. L’hommage appuyé d’Hendrix à ce morceau (une fabuleuse reprise, jouée notamment au festival de Monterey en 1967) n’est donc pas tant que ça une surprise. Pour l’anecdote, on raconte que Pete Seeger, organisateur de l’événement de Newport et fameux parrain de la scène folk, aurait voulu couper à coups de hache les fils reliant les instruments du groupe de Dylan à une source d’électricité.
Enfin, vous savez, avec les mythes, tout n’est pas toujours exact...
Highway 61 Revisited sort lui à la fin du mois d’août. Pour ce disque, le maître s’est entouré de musiciens de talents (Mike Bloomfield, Al Kooper, Paul Griffin...). L’enregistrement du morceau Like A Rolling Stone fut difficile et une seule version fut véritablement jouée dans son intégralité, la version finale prise pour l’album. On peut entendre quelques versions inachevées du titre sur le précieux bootleg, The Bootleg Series Volumes 1-3 (Rare & Unreleased) 1961-1991, ou bien le CD Rom Highway 61 Interactive. Il faut dire que le groupe s’était mis en danger pour ce titre en particulier. Kooper, un brillant guitariste, jouait par exemple à cette occasion la partie d’orgue désormais fameuse du morceau, instrument qu’il ne maitrîsait pas vraiment.
Mais alors de quoi parle ce célèbre morceau ? D’une femme qui coule, enfin qui roule, pour être précis, comblant un vide existentiel par la superficialité la plus bancale, et qui, bien sûr, finit par chuter. Le titre de la chanson vient en tout cas du dicton « A rolling stone gathers no moss. » (« Pierre qui roule n’amasse pas mousse. ») Comprenez, en rapport avec notre jeune femme paumée, « ...et le plus dur sera la chute. ». Beaucoup voient dans ce personnage une allusion à Edie Sedgwick, une jeune membre de la cour du pape du pop art Andy Warhol. Dylan reprendra en tout cas cette femme comme sujet d’inspiration dans un autre de ses morceaux, Leopard-Skin Pill-Box Hat, sur un autre de ses albums cultes, Blonde On Blonde, sorti l’année suivante.
Mais ce choix de personnage féminin ne fut pas sans conséquences puisque beaucoup à l’époque y virent les marques d’une possible misogynie de Bob Dylan. Une partie de la jeunesse intello de gauche qui n’acceptait pas le virage électrique de Dylan profita de ce titre pour pourfendre son auteur au niveau de ses valeurs même. On sait maintenant que Bob Dylan fut très affecté par ce genre de critique puisque l’artiste, en peignant la perte de contrôle de son personnage, faisait alors très souvent référence à lui-même. « Mme Bovary, c’est moi ! ». Ne l’oublions jamais.
Quoi qu’il en soit, il n’y a bien aucune référence explicite au groupe The Rolling Stones dans cette chanson. [1] Pourtant, la bande à Jagger n’a pas pu s’empêcher elle aussi de tirer la grande couverture de ce morceau à elle en proposant une reprise lors d’une de leurs tournées des 90s, l’enregistrement de la version se retrouvant sur leur album live, Stripped (1995). Rien à voir également avec le magazine Rolling Stone même si l’organe de presse US a tout de même décerné au morceau le titre de « meilleure chanson de tous les temps » en 2004. C’est bien connu, on aime que ce qu’on connaît le mieux.
Ah j’oubliais, une autre version fut enregistrée par Dylan avec des musiciens différents pour l’album The Self Portrait en 1970. Ron Cornelius, session man de Nashville ayant participé à l’aventure, raconte : « On pouvait très bien lui demander ce que signifiaient réellement les paroles de cette chanson, c’était comme tirer dans le noir, il ne nous aurait pas répondu. Même s’il nous aurait peut-être dit la vérité en nous répondant : "Je n’en sais rien. Et pour vous, ça veut dire quoi ?" ». Décourageant ?
[1] Tout comme, soit dit en passant, Papa Was A Rolling Stone des Temptations.
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